Du sang dans les cales.

"-GRENADE!"

Je compte. Un, deux, trois, quatre, cinq... L'onde de choc de l'explosion me traverse.

"-On y va!"

Je passe par dessus le bastingage, et je tombe lourdement sur le pont inférieur du Valkyrie. Il y a de la fumée partout, mais je sais très bien comment est fait ce navire, et je n'ai aucun mal à trouver la porte qui mène à l'intérieur. Elle est fermée. L'alarme s'enclenche, ils sembleraient que les mutins comprennent enfin ce qu'il se passe. 

Je défonce la porte du pied, et je regarde l'équipe d'intervention se diviser. Mes hommes me suivent, tandis que ceux qu'ont envoyés Thion et Vaerya sécurise le trajet du retour vers les canots. Il fait plus sombre que d'habitude, les mutins ont bouchés les hublots, si bien qu'on ne voit que grâce à la lumière qui s'engouffre de la porte défoncée.

Un de mes hommes s'écroule, une balle dans le torse. Les mutins nous ont trouvés, l'affrontement est inévitable. Je crie quelque chose, et les autres dressent leurs boucliers, et se mettent à avancer lentement. Les balles fusent en face, mais aucune ne traverse le mur de boucliers.

J'attends que les combats au corps à corps commencent, et je m'éclipse par un autre couloir, celui qui mène à la prison du navire. Il y fait très sombre, mais je parviens tout de même à progresser. Après tout, c'est mon navire, et je le connais par cœur.

J'entends des pleurs. Je suis devant la porte de la geôle, et ils viennent de là. Je sais très bien que la porte ne peut-être défoncée sans explosifs. C'est pourquoi je place une grenade dans le mécanisme qui permet de l'ouvrir. J'ai à peine le temps de me mettre à couvert et de crier "Grenade" que la porte fonce à l'intérieur et s'écrase contre le mur au fond de la cellule. Je rentre en courant, et je la vois. Là, entièrement nue, couverte de bleus et de sang. Elle me regarde, le regard vide, elle ne doit pas comprendre ce qu'il se passe, ni qui je suis. Tant pis, on a pas le temps. 

Je l'aide à enfiler une robe, et je la mets sur mon épaule gauche. 

"-J'ai récupéré la cible, on évacue, maintenant." 

Je coupe le gnomotophone, et je repars dans l'autre sens, vers les canots. Mes hommes m'entourent, conscients que je ne peux me battre avec elle sur l'épaule, et me couvrent jusqu'aux canots. Les hommes de Thion et de Vaerya sont déjà à bord, et je leur confie la femme, avant de descendre à mon tour, non sans lâché une dernière grenade fumigène sur le pont, pour les empêcher de nous tirer correctement dessus.

L'Arcadia n'est qu'à quelques mètres de distance, ce qui nous permet d'être en sécurité avant que le Valkyrie ne puisse ouvrir le feu sur nos canots. Une fois à bord, je regarde la femme, et je soupire de soulagement. Elle est en vie. C'est tout ce qui compte. Je regarde deux matelots de l'Arcadia l'emmenée à l'intérieur, quand j'entends une voix sur le gnomotophone.

"-Amiral? Amiral, vous me recevez? Nous nous rendons, je répète, nous nous rendons, ne tirez pas. Le commandant de la mutinerie a été tué pendant votre assaut, le Valkyrie est sous contrôle, je répète, le Valkyrie est sous contrôle."

Je lance un regard à Vaerya, puis je regarde la Vierge Ensanglantée, le navire de Thion, plus loin. 

"-Valkyrie, préparez-vous à recevoir deux canots. Prenez les dispositions nécessaires pour que nous puissions monter. Terminé."

Je fais signe à mes hommes, et seulement à eux, de remonter dans les canots. Le Valkyrie ne bouge pas lorsque nous approchons. Un système installé récemment hisse le canot à la hauteur du pont, et nous montons dessus, armes pointées sur les autres. En arrivant sur le pont Supérieur, je pousse un soupire de soulagement. Les machines semblent intactes, et les quelques personnes postées ici me regardent, attendant mes ordres.


"-Ici l'Amiral, le Valkyrie est sécurisé, les hostilités sont terminées." 

Je regarde les deux autres navires s'éloignés légèrement. J'ai repris le contrôle du Valkyrie, ma sœur est en vie, et les pertes humaines sont minimes.

Il y a soudain une détonation qui s'échappe du Valkyrie. Suivie d'un fracas immense provenant de l'Arcadia. Il y en a deux autres avant que je comprenne.

Nos canons tirent sur l'Arcadia! Je ne comprends pas, je n'ai donné aucun ordre! Et jamais je ne l'aurais donné! 

J'entends des bruits de combat à l'intérieur du navire. Et là, je comprends. Les mutins se sont joués de nous. Je tends la main vers le gnomotophone pour prévenir les autres, mais je me retrouve la tête en face d'un fusil. 


"-Bridelion, cesse immédiatement de tirer!"

Je ne peux pas répondre, j'entends dans la voix de Thion qu'il ne comprends pas. Sur le pont inférieur, je vois mes hommes qui tentent vaguement de tenir, mais ils n'ont plus leurs armes, ils n'en ont pas pour longtemps. 

"-Bridelion, arrête! Nous allons devoir ouvrir le feu!" 

La femme avec le fusil tire une balle sur le gnomotophone, coupant la communication, puis me regarde.

-Amiral. Un plaisir de vous avoir à bord. L'on vous croyait mort... Vous auriez peut-être dû le rester. Vous allez mourir ici, maintenant. Vous êtes coupable de désertion, et d'avoir aidé une condamnée à mort à prendre la fuite. Selon votre propre loi martiale, vous êtes condamné à mort. 

Elle braque son fusil sur mon crâne.

-Une dernière volonté? 

-Allez tous vous faire...

Je ne peux terminer ma phrase. Un boulet passe entre elle et moi, emportant son fusil dans la foulée. Elle se tiens le bras, qui n'a pas tenu le choc. C'est le moment. Je me lève et me jette sur elle. 


On est de forces égales, je n'arrive pas à prendre le dessus. Elle me pousse petit à petit vers le bastingage. Elle veut me balancée par dessus bord, elle sait pertinemment que mon armure va m'entraîner au fond de l'océan. 

D'autres boulets s'écrasent sur le Valkyrie, sans doute en provenance de l'Arcadia et de la Vierge Ensanglantée. Ils doivent croire que je les attaques... Un boulet s'écrase à côté de nous et la déstabilise. Instinctivement, je la fait passée au dessus de moi et je la lâche. Je me retourne pour la voir finir sa chute sur une lance plantée dans le sol. Je vois dans ses yeux la douleur et la peur de la mort, puis plus rien. Le bombardement continu, on ne tiendra pas cinq minutes de plus. 

En bas, les mutins déposent les armes, ils ont perdu leur chef et ne savent plus quoi faire. Je regarde le gnomotophone. La balle a pulvérisée le boîtier. Mais peut-être que...

J'appuye sur un bouton, j'entends des grésillements. Ça marche!


"-Ici... Valkyrie. Muti... cessez le... sous contrôle..." 

Ce sont les seuls mots que le gnomotophone envoie. Je prie pour que cela suffise. Les tirs continuent, pendant de longs instants. J'en viens à me dire que c'est terminé, que le Valkyrie va couler là, avec nous autres à bord. Que nous allons passer pour des traîtres alors que nous n'avons rien fait.

Je ferme les yeux. Un choc, puis tout s'arrête.

Suis-je mort? Non, je sens encore le vent marin. Alors, ce pourrait-il que... Je vois une immense ombre au dessus de moi, je la regarde, longtemps. Du jaune apparaît, puis je distingue l'armure, et enfin le type à l'intérieur. Thion.

Je me redresse, et je vois que les deux autres navires sont collés au Valkyrie. Ils ont aborder le navire, et leurs hommes sont partout. Par les sept enfers, c'est enfin terminé.

Il me faut une bonne heure pour expliquer aux autres que c'était un piège, que les mutins contrôlaient encore le navire. 

Leurs deux navires se désarrimeront enfin après trois heures. 

Je me dirige vers les geôles, où sont retenus les mutins encore en vie. En passant, je regarde la cale, pour m'assurer qu'il n'y a pas d'autres explosifs. Je manque de vomir. 

Il y a des cadavres, partout. Je reconnais certains d'entre eux. Des femmes pour la plupart.  Dans un rapport, on m'avait dit que des fidèles d'Ikarea s'étaient retranchés dans la cale. Voilà donc ce qu'ils étaient devenus. Je remonte vers les geôles, et je rentre. Trois enseignes sont là, chargés de surveiller les mutins attachés.

-Mettez-les en ligne.

Je dégaine mon arme, et, sans me rendre compte de ce que je fais, je l'abat sur la nuque du premier. Puis du suivant. Et ainsi de suite.

Lorsque je remonte, l'équipage me regarde. Je suis couvert du sang des mutins, et la lame de ma lance laisse tombée des gouttes de sang. Ils ont été jugés coupable de leurs crimes, et en ont payé le prix. 

Cette sanglante journée est finie. Et bientôt, de grands changements auront lieux. J'en fais le serment.